jeudi 18 septembre 2008

SparkleHorse

On a tous besoin de notre petit groupe à nous. Celui que l’on chéri, que l’on suit discrètement : on connaît son histoire, les différentes anecdotes qui le caractérisent. Bien sûr, c’est par cœur que l’on connaît le nom de chacun des membres présents et passés et, en tant que fanatiques que nous sommes, nous savons où et quand ils sont en tournée. Il s’agit du groupe dont on parle autour de nous, à nos amis, mais que l’on détesterait être apprécié par un quidam qu’on ne supporte pas, ou un crétin connu pour son mauvais goût permanent en terme de musique.

A ce groupe, on lui souhaite tout le meilleur possible tellement il est bon : bonheur, prospérité et surtout inspiration. Il a accompagné des moments de notre vie auxquels il a donné une couleur particulière, ce dont on se souviendra toujours, il nous a marqué de son empreinte. Il fait partie du petit nombre choisi pour constituer la bande son de notre vie, comme pour un film dont la BO est choisie en fonction de l’ambiance que l’on veut créer.

Voilà ce qui nous amène au paradoxe suivant : on souhaite à cet objet de fascination discrète tout le meilleur du monde, y compris la célébrité qu’il mérite amplement (d’après nous). Mais on serait prêt à lui tourner le dos si cela devait arriver, le voir grimper à la tête des charts nous ferait vomir : il aurait perdu sa place dans notre petit cœur d’amoureux épris. Adulés cette fois, non pas par un petit groupe de fans dévoués, mais par tellement de crasseux incultes prêts à s’approcher de ces nouvelles stars au risque de nous faire perdre notre place si chèrement entretenue. Combien de radios (qui, à l’échelle nationale, sont toutes merdiques et puantement commerciales, sans exception) prétendraient avoir été la première à passer ce nouveau hit et la rabacheraient pour se disputer à coup d’audience en prétendant nous avoir fait découvrir cette révélation. Putain de mensonge, oui ! Un putain de viol. Et pire, l’objet de notre possessivité pourrait être tenté, attisé par ce soudain et nouveau succès, disons le franchement, de faire une faute de carre. Est-ce que j’ai pas raison ? Ou est-ce que j’ai tout d’un monomaniaque pathétique ? Peu importe, au final.


Car pour moi, Sparklehorse est l’un de ces groupes. Même si je préfèrerais que Mark Linkous puisse se payer son loyer. Parce que Sparklehorse se résume à Mark Linkous, multi-instrumentiste dépressif à la tête peuplée de hiboux, d’araignées, de lapins, d’hirondelles, de serpents de vaches et, bien sûr, de chevaux. Bref tout l’arche de Noé passe dans ses chansons mélancoliques, simples et touchantes.
            Pourtant le succès, Sparklehorse l’a déjà rencontré. Sans grosse explosion ni très longtemps, certes, mais quand même. Et pour cause.
Londres, 1996. Lors de sa tournée en première partie de Radiohead, dans sa chambre d’hôtel, Linkous tombe raide après avoir ingéré en vrac différent anti-dépresseurs en plus du Valium, alcool et héroïne. Cette dernière, Mark la connaissait bien : il la côtoie depuis 15 ans, et il continuera encore. Il reste 14 heures dans le coma avant qu’on ne retrouve son corps inanimé. Ses jambes bloquées sous lui font que son corps sécrète du potassium qui se libère lorsqu’on le déplace : son cœur s’arrête net de battre. Il sera mort pendant 2 minutes. Une fois réanimé, il reste bloqué des mois durant à l’hôpital. Il dédiera d’ailleurs une chanson, « St Mary » du nom de l’hôpital, aux infirmières qui se sont occupées de lui. S’il boite un peu encore aujourd’hui, c’est que dans l’histoire il a failli perdre les jambes.

            Une fois rentré chez lui, il enregistre Good Morning Spider en 1998 issue de sessions d’enregistrement de Vivadixie… puis ‘It’s a Wonderful Life’ en 2001. Ce sont deux disques géniaux, acclamés par la critique de la Terre entière qui ne trouve rien a en redire, mais boudés par le public. Capitol, sa maison de disque, le lâche. Toujours accro à l’héroïne, Mark plonge dans la dépression. Pour l’aider ses amis l’envoient s’isoler dans les montagnes de Caroline du Nord. Il va passer quatre ans à essayer de se remettre du 11 septembre et de la pluie de décès qui touchent aussi bien ses amis que sa famille. ‘’ J’étais vraiment dépressif et je ne faisais rien. Après le 11 septembre, plein de merdes me sont tombées dessus. Des proches sont morts, dont un meurtre. C’est la raison pour laquelle mes amis me voulaient hors de la Virginie. En Caroline du Nord, je ne connaissais aucun dealer.’’ Linkous arrive finalement à décrocher. ‘’ Cela faisait 20 ans que j’essayais de me débarrasse de l’héroïne’’.

Mark reprend alors le chemin des studios vers 2003-2004 pour enregistrer quelques titres. Mais deux éléments vont contribuer à accélérer la sortie d’un album. L’une, très terre-à-terre : le besoin de payer son loyer. L’autre provient de l’aide apportée par Brian Burton, aka DangerMouse. Un tel amour des animaux ne pouvait que les rapprocher ! De fait il se trouve que Burton est un fan de Sparklehorse, et que Linkous, ayant retrouvé le Grey Album au fond de l’un de ses tiroirs après que son manager le lui ai envoyé pour disons, l’inspirer, est un fan de DangerMouse. Burton s’invite donc chez Linkous et le bouscule un peu, le faisant jouer tout en enregistrant et bidouillant tout ce qui passait. Quatre titres émergent de cette collaboration : shade and honey, Don’t take my sunshine away, getting it wrong et some sweet days qu’il a écrite après le décès de sa premiere petite amie.
Par la suite, Mark reprend les vieilles habitudes et travaille seul chez lui afin de sortir ‘’ Dreamt For Light Years In The Belly Of A Mountain au titre révélateur.




            Alors la question qui se pose est : pourquoi alors Sparklehorse n’aurait-il pas droit à son quart d’heure de gloire maintenant ? Parce que celui-ci est déjà passé et que Mark n’a plus ni la force ni le courage, ni surtout l’envie d’aller en chercher un second. Soyons clair, jusqu’ici Sparklehorse à toujours jouer de malchance. Drogues, overdoses et conséquences douloureuses lourdes psychiquement, aboutissement in fine a une dépression et une apathie fort compréhensible quand tout ça prend une tournure macabre. Quand la mort rode à ce point autour de vous, il est assez difficile de ne pas baisse les bras en se disant « à quoi bon ? » Si bien que l’album, après 5 ans de réclusion, est sorti sans tambour ni trompette et la tournée ne se fait pas à bâtons rompus. Mais ça, Linkous n’en n’a cure : « Tout ce que je veux, c’est pouvoir payer mon loyer, aller chez le dentiste et changer de chaussures quand les anciennes rendent l’âme. »
            Et pourtant dans un sens reprendre les armes n’est pas pour lui déplaire, puisqu’il avoue que son grand plaisir est d’entendre le public reprendre ses chansons, dont certaines on pourtant maintenant 10 ans. « Je suis juste heureux que l’on ne m’ait pas oublié. » Quand on sait qu’il va continuer sur un projet avec DangerMouse qui fait gloser aujourd’hui au sein de Gnarls Barckley, ça ne risque pas d’arriver vraiment. Qui s’en plaindra ? Tant que ça reste discret, ça ne pose pas de problème…

2 Commentaires. Cliquer ici pour en écrire un !:

Anonyme a dit…

Excellent article mon p'tit Dub!
Tu as vraiment une belle (grosse)... plume!
biz

soundinside@gmail.com a dit…

Bonjour,

Je suis Jean-Sébastien Nouveau, membre des groupes LES MARQUISES et RECORDED HOME.

Je viens de mettre sur mon myspace une cover-hommage à SPARKLEHORSE, reprenant son "Heart Of Darkness".

http://www.myspace.com/recordedhome

N'hésitez donc pas à écouter cette reprise, et publier cette info sur votre site.

Bonne écoute et à bientot !

Jean-Sébastien

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